La paix, un label Suisse ?
Et si on vous disait: conjuguez-moi la Suisse au passé, au présent et au futur? A quelques années du 700e anniversaire de la création de la Confédération, cette idée résonait en moi, emplissait l'air ambiant et donnait de joyeuses formes aux nuages tandis que je visitais les gorges du Ranft, cette vallée encaissée où Nicolas de Flue vécut en ermite pendant 20 ans.
La sérénité du lieu réveilla mon patriotisme et m'invita à mettre en valeur les ferments de notre héritage spirituel, à considérer notre destinée dissimulée derrière la trame de nos préoccupations actuelles.
A l'époque du serment du Grütli, nos ancêtres avaient le tempérament plutôt belliqueux. A la diète de Stans en 1481, la guerre civile menaçait des confédérés incapables de s'entendre sur l'admission de Fribourg et Soleure dans la Confédération.
Tout s'arrangea comme par miracle avec l'intervention de Nicolas de Flue, et c'est à partir de ce moment-là qu'une véritable politique d'alliance et de neutralité émergea. Qu'avait bien pu dire l'ermite? On ne le sait pas exactement, mais une de ses paroles exprime bien l'esprit dont il était empli: "Il n'est d'autre paix que la paix intérieurequi provient de l'accord de l'âme humaine avec la volonté divine. Etablissons cette paix en nous-mêmes et elle s'établira dès lors tout naturellement autour de nous, influencera les hommes politiques et les relations des Etats entre-eux."
Peut-on affirmer connaître la portée de cette phrase? En elle-même se trouve la cause de notre neutralité et de notre abondance d'ujourd'hui, à travers elle se discernent nos possibilités futures... Quand on observe combien le rayonnement d'un homme inspiré a permis l'essor de la vocation humanitaire de notre pays, vocation qui a trouvé de multiples applications en notre siècle, on ne peut qu'être impatient de voir la population suisse et ses élus reprendre le flambeau avec enthousiasme!
En d'autres termes, ce que Nicolas de Flue a fait pour la Suisse, la Suisse peut le faire pour le monde. C'est le même esprit qui est à l'oeuvre.
Il n'y a qu'une recette pour être heureux, c'est de se donner. Déjà maintenant, on voit poindre les lignes directrices de notre rôle, on prend conscience que notre bien-être est indissolublemment lié à celui de l'ensemble des humains. Dans un proche avenir, la Suisse reconnaîtra sa mission de terrain de conciliation, d'entente et d'écchange d'amour et uilisera sa neutralité pour garantir la paix, la justice et l'harmonie sur Terre. Bientôt, nos banques, notre infrastructure touristique, notre capital intellectuel et industriel, notre précision, bref, tot ce qui fait la Suisse sera offert au monde à seule fin de âter l'avènement d'une harmonie à l'échelle du globe. Notre atmosphère politique s'en trouvera transformée, le peuple se sentira concerné et nos dirigeants se sentiront pousser des ailes, ayant enfin des dossiers motivants à traiter.
Je ne rêve pas. L'évolution est un processus infaillible. Si les générations passent vite, la destinée d'un pays est l'objet d'un plan à beaucoup plus long terme. Le bouillonnement du ruisseau qui court au fond de la gorge du Ranft m'a laissé entrevoir quelques bribes de notre devenir...
En ce même lieu, tout dernièrement, Jean-Paul II évoquait la mémoire de Nicolas de Flue: "On croirait ici entrendre sa voix nous appeler à la paix. La paix dans votre pays, la paix dans le monde, la paix dans vos coeurs." Et il ajoutait: "La Suisse peut apporter la paix au monde".-
Alain-Yan Mohr,
1er août 1984.